Proposition de Plate-forme des Etats Généraux pour le droit à la ville

Nous voulons être dans la ville comme les poissons dans l’eau : chez nous !

Le droit à la ville ne se limite pas à avoir chacun une place digne et entière dans la ville mais aussi le droit collectif à une ville où il fait bon vivre et plus encore, le droit de faire ensemble, la ville.

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Une place digne pour chacun

Cette place « digne » pour chacun est à souligner particulièrement pour ceux d’entre nous qui
habitons les quartiers populaires de Marseille : cette plateforme s’inspire des 101 propositions pour
les quartiers populaires de Marseille.
Une place « digne » signifie d’abord le droit de contribuer au bien commun par son travailet par là,
d’assurer son existence et celle des siens.
Elle signifie ensuite le droit à un logement décent dans un quartier bien aménagé et des logements bien équipées pour les personnes vulnérables, pourvu d'établissements d’éducation de qualité, de services de santé diversifiés (médecine de ville, imagerie médicale et autres plateaux techniques) et d’équipements sportifs et culturels. Enfin que la sécurité y soit assurée au quotidien et dans la proximité par des gardiens de la paix et non par des opérations coup de poing, menées par des « Forces de l’ordre » qui se désintéressent de ce qui suit. .

Un droit collectif à faire une ville où il fait bon vivre


Ce que nous nommons Droit à la Ville ne se limite pas au « droit de vivre en ville » (d’y avoir un logement et un emploi) ni au droit d’accéder aux ressources de la ville (ses commerces, ses équipements, ses transports, ses espaces verts…). Contre la tendance dominante à la consommation passive et au chacun pour soi, le droit à la ville affirme notre pouvoir d’agir ensemble et concerne donc la démocratie locale et notre droit à faire la ville (ou au minimum à contrôler ceux qui la font en notre nom).
  • Ce projet ambitieux rencontre deux obstacles principaux :
- la légitimité de ceux qui une fois élus, prétendent incarner « l’intérêt général » et agissent sans contrôle.
- le rapport de force brutal qu’imposent ces mêmes décideurs qui écrasent les usages par le bâti.

1 -Le détournement de l’intérêt général par le « public »


Sous couvert de soumettre les « intérêts particuliers » par définition, égoïstes et à courte vue, nous avons vu se développer des « institutions publiques » qui prétendaient agir au nom de l’intérêt de tous à long terme. Cette fiction a, dès le XIX siècle, permis d’imposer les intérêts des grands groupes financiers et industriels en expropriant et en ruinant les communautés villageoises puis au XXe en gérant à bas coût les cités ouvrières pendant que les promoteurs s’en donnaient à cœur joie. Chaque fois qu’elle est parvenue au pouvoir (36,45,81,97, 2012) la gauche a redonné une légitimité à ces institutions publiques en les forçant à avaler certaines revendications populaires mais en renforçant en même temps, la dépossession des citoyens au profit du « propriétaire élu » (rentrez chez vous et laissez-nous faire) de l’institution « publique » qui en use et en abuse sans rendre de comptes, en particulier quand elle rachète ou exproprie les « petits » pour revendre ou concéder aux « gros » (ou aux copains). Marseille s’illustre par sa propension à rendre inaccessibles les « biens publics » (les espaces verts, les parcs, les piscines…) à réaliser des partenariats de dupes avec des groupes privés chargés d’entretenir et rénover le patrimoine public (parkings, écoles), quand ce n’est pas à brader la propriété publique au « privé » ( Hôtel
  • Dieu, Maternité Belle de Mai, Ilot Feuillants…)
Face à cette dérive de la notion de bien public, s’affirme depuis quelques années une notion ancienne redéfinie et même conceptualisée récemment , la notion de « commun ».


Est dite commune, une ressource qu’une communauté s’organise pour gérer de manière concertée et permanente. Cela permet de rapatrier le contrôle de la ressource au plus près de ceux qui en font usage.
Et contrairement au dénigrement qu’en font les partisans de l’étatisme républicain qui lui reprochent sa proximité avec l’entre-soi et le communautarisme, elle est tournée vers la valorisation du bien commun et non vers son interdiction aux autres (privatisation). Elle développe des valeurs de responsabilité vis-à-vis des ressources et de leur consommation. Elle est hostile à l’exploitation marchande de la ressource et non à son usage commun.

2 - Contre l’urbanisme des bétonneurs, pour un urbanisme novateur mais respectueux des usages existants. Penser les services urbains prioritairement aux aménagements matériels.


Pour une initiative locale audacieuse


Nous ne sommes pas hostiles aux projets de rénovation urbaine à condition qu’ils prennent les moyens et le temps d’une vraie concertation. Comment penser une ville qui favorise la coexistence des usages, des publics et des moyens de transports ? Comment favoriser la rencontre de l’autre et le faire ensemble ? Ce n’est que très secondairement l’aménagement matériel de l’espace qui est en cause et bien plus les pratiques humaines à commencer par les pratiques professionnelles des agents municipaux ( qui limitent au maximum l’accès aux services et aux espaces) et des transports publics (qui interrompent au moindre prétexte le service au nom de la sacro-sainte « sécurité »).

Anticiper le changement global par des mesures au plan local et ne pas tout attendre du national et a fortiori de « l’Europe ».


Le droit d’innover et d’expérimenter n’a pas à attendre d’autorisation d’en haut. La question de la pauvreté, de l’insécurité sociale, de l’inégalité et de la démocratie paraissent hors d’atteinte à l’échelle locale sans une forte volonté de l’Etat national voire d’un consensus européen. Pourtant cette attitude attentiste reflète plus notre résignation actuelle qu’une réelle impossibilité.
A l’échelon d’une ville (et pour nous d’une métropole) il nous est possible :

1 – de faire un pas vers la réduction des inégalités de revenu en exigeant les transports publics gratuits comme à Aubagne ce qui aurait de plus l’avantage d’œuvrer pour l’augmentation de la mobilité, le désenclavement des «jeunes des cités » et leur « décriminalisation »(ils se font régulièrement interpeler pour fraude).

2 – de faire un pas dans l’accès au logement pour tous par une politique volontariste en matière de création de logements sociaux, de règlementation des loyers et de taxation des logements vides.

3 – de lancer les jalons d’une démocratie vivante à l'échelle locale et quotidienne.
De nouvelles aspirations sont apparues chez beaucoup de gens qui autrefois, subissaient silencieusement : être considérés, consultés et entendus. Pour cela, il faut redonner de la vigueur à l’idée démocratique très sérieusement discréditée par la pratique « représentative » consistant à donner un chèque en blanc tous les cinq ans à un élu chargé de penser et agir pour nous. Non que nous ayons beaucoup d’illusion sur les propositions de démocratie directe et d’assemblées spontanées et permanentes. Beaucoup d’entre nous ont suivi les indignés, les nuits debout, les assemblées, comités et collectifs … l’activisme épuisant des « permanents » éloigne rapidement la majorité pourtant de bonne volonté et même participante au départ. Ces mobilisations éphémères retombent laissant place à quelques cris dans la nuit… et les « élus » et les institutions reviennent une fois le « calme » revenu.
Il nous faut donc inventer quelque chose de nouveau qui s’impose avec fermeté et permanence aux « institutions représentatives ». Cette invention démocratique a plus de chance de se faire et de durer à l’échelon local. Donc inventons la démocratie durable de quartier (ou d’arrondissement) et une fédération à l’échelle de la ville.
Ce qui peut lui donner la capacité de concilier ancrage local et diversité avec rigueur et permanence c’est de se nourrir non de consensus et de vote majoritaire comme les « institutions représentatives » mais de conflictualité de basse intensité. Lorsque l’on débat, on découvre d’autres points de vue. Lorsque certains s’expriment pour la première fois et maladroitement, cela encourage ceux qui se taisent à parler.
A condition que l’on s’écoute et se respecte, que l’on apprenne à contenir les bavards et que ceux qui en sont capables, synthétisent à la fin et ne brusquent pas la décision. Prendre plaisir à débattre, écouter, découvrir et s’exprimer, voilà ce que nous devons apprendre à faire à l’échelle la plus petite de la rue et du quartier.